Un homme à l’allure fière et sûre traverse les couloirs à grands pas. Sa chemise ample ondule légèrement derrière lui, deux boutons restent ouverts à son col. Un pantalon de toile légère entre dans des bottes souple et fines, peut-être la seule réelle excentricité de la mise. L’ensemble est clair, dans les tons blancs, sable ou bleu pâle. Cet accoutrement donne une impression de fraîcheur, mais peut aussi faire penser à un manque de respect du personnage. On le verrait mieux ainsi habillé sur une plage que dans les couloirs d’une école.
Pourtant on aurait du mal à reconnaître le jeune homme qui s’était présenté une demie heure auparavant à l’administration pour y signaler son arrivée. Il est moins élégamment vêtu, ou en tout les cas de manière moins conventionnelle. Mais surtout, il semble en bien meilleure forme que celui qui avait d’abord passé la porte de l’université. Les épaules plus droites, le regard plus vif, les traits plus détendus, aucun doutes, il se sent bien mieux ainsi.
*Je me demande bien ce qui m’a pris de vouloir faire impression en portant ce costume sur mesure. Evidement, j’aurais peut-être fais meilleure impression au premier abord, et encore, ce n’est pas sûr. Cela m’apprendra à essayer d’être quelqu’un que je ne suis pas.*
Il se souvenait encore des paroles d’un sage aveugle : « Chaque erreur est bonne à commettre si tu sais en tirer un enseignement. »
Voilà une fois de plus qu’il mettait en pratique ces précieux enseignements. Des enseignements qu’il allait devoir à son tour faire passer à ses élèves… c’est bien pour ça qu’il était là.
*Professeur de lettres et philosophie… je n’ai pas entendu que du bien de cette matière. Et encore moins de ceux qui l’enseignaient. J’espère que je saurais m’en sortir mieux que ça.*
Il réfléchissait déjà à la manière d’aborder son cours, de parler aux élèves. Il essayait d’envisager une multitude de scénarios possibles, des meilleurs et des pires… surtout des pires. En d’autres termes il était en train de se faire des films quand il arriva enfin à la destination qu’il s’était fixé.
En effet, après s’être changé aux toilettes et avoir bu un bon demi litre d’eau, il s’était de nouveau retrouvé dans les couloirs et s’était trouvé tout à coup désœuvré. Il avait été tellement pressé de quitter la secrétaire furieuse du clavier, qu’il ne se souvenait pas si elle lui avait indiqué une chambre où loger. Supposant qu’elle avait du puisqu’il tenait à présent en main une clé qu’il ne se souvenait pas avoir prise, il décida tout simplement d’essayer d’explorer par lui-même l’étendue de l’université, en se dirigeant vaguement vers l’aile abritant les chambres d’après ce qu’il avait pu en lire sur un plan d’évacuation de l’école. Le plan n’était pas particulièrement précis, plus utile pour sortir en vitesse en cas d’incendie que pour se repérer dans les bâtiments. Mais Gabryël aime explorer un peu par lui-même, quitte à se perdre une heure ou deux dans le dédalle des couloirs. Se perdre pour mieux se retrouver, telle est l’idée.
Toujours est-il qu’il ne s’est finalement pas perdu, ou très peu. Car au bout de quelques dizaines de minutes le voilà dans l’aile en question. Ici le couloir donne sur des portes qui sont assez espacées, laissant à penser qu’elles donnent sur des pièces ou des appartements relativement grands. Les portes ne ressemblent pas tout à fait à celles des salles de cours, elles ont un aspect plus accueillant, moins fonctionnel. Elles sont presque toutes ouvertes, normal puisque personne n’y loge encore et que la femme de ménage dois bien pouvoir y mener sa guerre contre les poussières sans avoir à se trimballer un énorme trousseau de clés. Mais peut-être existe-t-il un passe partout…
Pour le jeune homme trop curieux, c’est une aubaine. Ouvrir une porte fermée mais non verrouillée ne provoque aucun malaise chez lui, de toutes façon même une porte blindé et solidement fermé ne présente qu’un obstacle mineur pour lui…
Il s’amuse alors à examiner les différentes chambres, et à constater qu’aucune n’est aménagée à l’identique de l’autre. Elles sont au contraire aussi différentes les unes des autres que les saisons le sont dans une année. Intrigué il se demande le pourquoi de cette variabilité et essaye d’imaginer avec un sourire à quoi pourrais ressembler la sienne.
*Une pièce nue avec un tabouret au milieu et dessus une lampe à huile pour génie facétieux, voilà qui m’irait parfaitement tiens…*
Et voilà qu’à force d’ouvrir des portes donnantes sur des chambres inhabitées, il finit par en ouvrir une qui donne sur un bureau remplis de choses et d’autres et qui donne clairement l’impression d’avoir été occupé il y a très peu de temps…
La pièce est dans les tons chauds, le bois y est acajou. A qui peut-elle donc appartenir ?
Or à la connaissance du jeune homme, il n’y a qu’un seule personne qui pourrait résider déjà à l’université, et c’est celle-là qu’il cherchait à rencontrer tout à l’heure dans son costar sur mesure.
*La porte n’était pas fermée à clé… après tout, il n’y a aucun mal à jeter un coup d’œil*
Qu’il y ait un mal ou pas, Gabryël s’avance nonchalamment dans la pièce, plusieurs années des mauvaises habitudes d’un courant d’air ne sont pas si faciles à effacer…
[Suite dans le bureau de la directrice]
Jeu 5 Avr - 13:01